Il va sans dire qu’une traversée à la rame peut comporter des risques… même bien calculés, je m’évaluais faible devant certains d’entre eux. Mon courage avait des limites et sauter dans le grand bleu, toute seule, s’annonçait un préambule à mon prochain défi; descendre nettoyer la coque des analités qui s’y sont collés au cours du temps. Mon premier saut dans l’eau a été provoqué par un désir de surpasser une peur qui m’habite depuis toujours; L’eau. J’avais besoin de sauter la première pour me prouver encore une fois que j’y parviendrais toute seule et pour moi-même. Mon prochain défi était de faire le tour du bateau toute seule à la prochaine baignade pour enfin être suivie du plongeon des garçons. Je tremblais déjà d’y penser. Quand notre capitaine a dit que Sara ralentissait probablement à cause de nos passagers indésirables, j’étais déjà dans la cabine à chercher les lunettes de plongée et enfiler mon bikini. Je lui coupais la parole en disant : « I’m the first one ready to go »
Mon harnais attendait un nœud solide et moi j’étais prête à les arracher ces parasites avec mes ongles si les garçons ne me trouvaient rien qu’une éponge pour procéder à l’opération. J’étais décidée de ne pas reculer devant mon impossible même avec des images de Jaws en tête, j’avais mes lunettes sur les yeux et déjà les pieds dans l’eau. « Ne pas changer d’idée… ne pas changer d’idée… » C’était tout ce que j’avais en tête… la prochaine étape, un point c’est tout. C’est la même chose lorsque je pense aux jours qui viennent, je pense au prochain 2 heures de rame et non aux 288 restants.
Une fois dans l’eau les étapes étaient… Shark Watch, en bas, Nord, Est et Sud, je regarde la coque, je gratte un paquet, Shark watch, en bas, Nord, Est et Sud, je remonte, je respire… je prends mon souffle… Pourquoi je vérifie pas à Ouest? Matt est de l’autre côté à plus de 15 pieds de moi, s’il y a un requin sur Port side, il le verra. Je compte les paquets de moules et les parasites que j’arrache avec mon éponge de cuisine, 21… 22… 23… tout-à-coup, je suis fière de moi, comme j’ai entendu Matt dire qu’il y avait des centaines de dorades sous Sara entre deux souffles, j’en profite pour scruter sous moi… je reste focus…. Ce que je vois; une très longue forme foncée à l’allure d’un rorqual, avec ce que je devine être deux nageoires de chaque côté. Est-ce que mon cerveau a voulu en savoir plus… non! « Matt, do you see it? » Je suis sortie de l’eau avec une facilité d’athlète olympique, les gars me demandent si je vais bien, je ne veux pas être alarmiste. Et je suis même surprise d’être déjà sur le pont la face entre deux sièges à coulisses et le derrière en l’air.. le tout pour faire rentrer mes longues jambes plus rapidement! Je demande si Matt a vu la masse. Il rit et me dit … « No which one? »
“ There’s nothing but Dorados… Mylène! » Tout d’un coup je comprend très bien… je replonge dans l’eau aussitôt en remerciant mes réflexes.. (ils croient qu’ils viennent de me sauver la vie la eux!!!!) … je n’attends même pas Matt qui change de côté pour venir m’aider à bâbord. Je suis toute seule sous Sara et je vois bien ce qui manque à cette grosse masse noire et méchante, une nageoire! Et hop… deux nageoires du même côté maintenant! Heille çà fait longtemps qu’il nous suit ce requin-là… à ce que l’on dit, il n’est présent que lorsqu’il fait soleil!!!
Je peux toujours dire que je n’ai peur de rien mais à avoir peur d’avoir peur … j’ai eu peur de mon ombre et de celle du bateau!
Après être retournée dans l’océan, je me sentais légère et ridicule. Je riais bien de moi-même! Je ne m’étais encore une fois jamais sentie émancipée de mes peurs à ce point. Rien ne m’aurait fait plus plaisir que de voir un requin finalement!
Les conditions météo sont bonnes et favorables. Nous faisons route à l’ouest, les vents et la houle nous viennent du Nord-est. Dès ce soir, les vents chargeront de l’est directement, ce qui pourrait nous faire atteindre des vitesses record sur 24hres. Nous verrons à nous inscrire dans une tentative du genre d’ici deux semaines.
Notre position actuelle au moment d’écrire ces pages est 18 degrés, 29 minutes Nord et 31 degrés, 35 minutes Ouest. "
Sauter à l'eau en pleine mer, chapeau! Moi aussi j'imaginerais un tas de gros poissons pas très rassurants! La peur provoque un tas de choses, normal, et puis, les gars devaient aussi peur que vous mais faut pas le dire.
RépondreSupprimerIntéressant, toute cette vie qui se colle à votre embarcation. Cette coque de noix représente donc pour eux un refuge.
A+
Accent Grave