lundi 29 août 2011

Frousse inoubliable

Inoubliable... je terminais le dernier billet en écrivant : « Mon passage dans la baie sera inoubliable » Effectivement, notre départ de Gaspé se déroulait à merveille. Accompagnés de la Garde Côtière Auxiliaire, Hermel et moi avions quitté très tôt ce matin là. Notre objectif avait été de faire le plus de miles nautiques possibles à la rame avant l’arrivée d’un vent d’est prévu plus tard en après-midi. À ce moment là, un seul aspect brouillait mon bonheur; même avec toute la puissance que j’activais aux avirons, rarement mon loch* m’indiquait plus de 2 nœuds. Malgré cette ombre au tableau, je m’extasiais à l’écoute des histoires qu’Hermel me racontait … du bon vieux temps. À ce moment, j’aurais eu peine à croire que ma journée aurait pu se terminer en un drame évitable.

Vers midi, fidèle au rendez-vous, le vent d’est se levait en m’empêchant de poursuivre mon entrainement, j’étais alors certaine de ne pouvoir continuer plus longtemps. Sur l’Atlantique, j’aurais opté pour une solution temporaire pour laisser passer ce vent contraire mais à la sortie de la baie et près des côtes, avec Hermel qui n’attendait que mon signal pour tirer sur le choke et le démarreur, j’abdiquai et lui donnai le signal pour mettre le moteur en marche. Quel ennui! Hermel, lui, était aux oiseaux, moi piteuse, me suis installée pour attendre que le vent se calme de nouveau pour me permettre de ramer.

Le seul avantage selon moi serait de revoir le même spectacle que celui que j’aperçu pour entrer dans la baie deux jours plus tôt. En tournant la pointe de la péninsule Gaspésienne, s’était dressé devant moi l’un des confins coin du Québec : Cap Gaspé. La falaise vertigineuse et imposante, témoin des assauts du Saint-Laurent et de ses eaux impétueuses, reste là, toujours, sage et coite, à la merci des vents. La péninsule marquait pour moi le point culminant de ma descente du Saint-Laurent et le début d’une aventure nouvelle. 

En sortant de la baie ce jour là, le vent soufflait sur l’eau, formant des vagues et des creux imposants. Mon bateau, plus marin que ne l’aurait imaginé Hermel, fendait les vagues et s’assoyait brutalement dans ses creux, deux mètres plus bas. Notre plan était de quitter la baie de Gaspé et d’aller se protéger à l’abri des vents, dans la portion sud de la Malbaie, à moins de trois miles nautiques du rocher Percé. Cette halte nous permettait de nous offrir une pause, d’apprécier un repas chaud en attendant une météo plus clémente pour contourner le rocher Percé, peut-être même à la rame, et d’entrer à l’Anse à Beaufils, plus tard en soirée. Quelques minutes avant de nous mettre à l’abri, le moteur s’éteignit d’un coup. Pendant qu’Hermel évaluait la situation, je restai là stupéfaite devant les escarpements géants plombant l’eau devant nous. Après une trentaine de minutes, le vent qui soufflait quinze nœuds nous avait déjà déplacés vers le large. Étant en contact constant avec Sylvie de la Garde Côtière par mes rapports réguliers, je décidai de déclarer la situation auprès d’elle. En nous retrouvant dans une enclave de vents nous emportant vers le large, en face du rocher, la nouvelle voix du VHF me suggérait alors de faire un appel à tous les bateliers pour venir nous porter assistance.

Dix minutes plus tard, un zodiac bleu et noir arrivait vers nous, à son bord, 5 ou 6 clients et un homme, debout. Contre toute attente, l’homme m’a lancé : « Traverser l’Atlantique à la rame, là c’est quoi ça? C’est nous encore qui vont (sic!) aller te chercher sur l’Atlantique? » Cette insolence aura été la dernière polie de sa part. Après trois ou quatre autres insultes, j’étais immunisée. Ma seule envie était de m’éloigner de cette personne ignoble le plus rapidement possible. Si j’avais su à ce moment précis que la Gérald Bourdages était en route de Gaspé pour venir à notre renfort avec la Garde Côtière Auxiliaire, je n’aurais jamais, au grand jamais, accepté de mettre notre sécurité entre les mains de cet homme. Après ces quelques échanges, j’aurais dû refuser ce remorquage sur le champ et recontacter la Garde Côtière sur la voie seize.

Remorquée sur une trentaine de mètres, quelques minutes plus tard, un second bateau, le E-M (pour ne pas le nommer), gros et imposant arrivait sur place. J’ai vu ma corde de remorquage passer d’un bateau à l’autre alors que j’étais toujours en mouvement. Ces manœuvres imprudentes frisaient la catastrophe. J’étais inquiète, Hermel aussi. Une fois derrière le E-M, je me suis sentie plus stable mais j’étais toujours incapable d’entrer en contact avec ce nouveau « bon samaritain » pour expliquer comment mon bateau se comporte lors de remorquage. Quelques minutes plus tard, je voyais la vitesse de mon loch indiquer 7 nœuds… 7,5 nœuds… 8 nœuds…. Le cauchemar ne faisait alors que commencer. Je demandais alors aux gens à bord de ce bateau qu’ils passent le message de réduire la vitesse. Les touristes du E-M, allaient, l’air inquiet, passer le mot au pilote après quoi je voyais ma vitesse réduire brièvement. La vitesse est restée stable autour du rocher Percé que j’ai pu apprécier au passage sur tribord. Tout de suite après le Rocher… j’ai vu mon loch grimper à 8, 9, …. 10 nœuds. J’avais peine à maintenir le safran droit, pour permettre à Peta de bien suivre mon remorqueur. À dix nœuds… mes mains brulaient à tenir les cordes du gouvernail. Mes épaules, qui servaient de leviers, forçaient contre la pression de l’eau exercée sur le gouvernail. Aussitôt que je coinçais les cordes dans les taquets, le bateau risquait de tourner sur le coté… mes bras, eux, étaient douloureux comme jamais.

Le nez de Peta se levait et j’avais peine à voir l’autre bateau devant. Je sentais Peta tanguer sur bâbord et sur tribord. Tout à coup, j’aperçus l’eau à tribord à la hauteur de mes épaules, de mes yeux, de ma tête…  J’ai alors réalisé que j’étais en train de chavirer. De toutes mes forces, je tirai sur mon gouvernail à bâbord. Peta tangua alors sur bâbord, évitant le chavirage sur tribord. Le même manège s’est ensuite produit sur bâbord. Instable, Peta tanguait encore une fois sur tribord. À ce moment, Hermel faillit tomber dans l’eau. Après quoi, il est tout de suite venu détacher ma ligne de vie qui me liait au bateau en me disant qu’à cette vitesse, si on tombait dans l’eau, on serait automatiquement aspiré sous l’embarcation nous assurant la noyade. Hermel me dit que la dernière vitesse aperçut sur mon indicateur était 10,5 nœuds! Vitesse pour laquelle mon bateau à rame n’est évidemment pas conçu.

Le remorqueur aura donc failli nous noyer sous les clichés et la surveillance impuissante de touristes loin de percevoir le danger auquel nous étions soumis.

L’approche du quai de Percé ne marquait pas la fin du cauchemar, l’E-Ml nous y emmenait toujours à une vitesse beaucoup trop grande pour accoster. À cet instant je criai : « Détachez nous tout de suite, c’est beau, je n’ai pas besoin de ça, je peux ramer depuis le rocher… y a plus de problème ici! » La vitesse qu’indiquaient mes instruments a alors réduit à quatre nœuds. J’indiquais alors au pilote que mon moteur était du coté sur lequel on abordait le quai, il fallait me tourner, je désirais qu’il me détache au plus vite pour tourner mon bateau à l’aide de mes avirons. Sans avertissement, le pilote a fait demi-tour sur lui-même. Quand le remorqueur a tourné rapidement, mon bateau, au bout de la corde de remorquage, s’est retrouvé catapulté sous l’accélération. Tel un film au ralenti, j’ai vu très clairement ce qui allait se produire si rien ne venait entraver la propulsion de mon bateau contre le quai. J’ai tout de suite pris une rame pour me préparer à amortir l’impact. J’ai forcé et crié de toutes mes forces en poussant le quai face à mon bateau. Ma rame s’est tout de suite prise entre la poutre d’acier et le caoutchouc mais cela n’a pas empêché le museau de Peta d’embrasser le muret de béton entre les poutres d’acier. Ma rame, elle, courbait sous le poids de ma barque et craquait de tous ses éléments d’un son ‘’carbonique’’ et clair. En bradant ma rame devant, du moins, j’aurai amorti le choc et peut-être même évité la fin de mon périple par des dégâts trop importants.

Secoués, Hermel et moi, n’étions pas au bout de nos peines. Je devais maintenant amarrer sur un quai de 12 pieds de haut, avec des vagues de travers nous poussant brutalement sur ce dernier. Des gens sont venus à la rescousse sur le quai pour nous aider à rendre la situation plus sécuritaire.

Après quelques minutes, j’aperçus une petite tête brunette sortir du haut du quai : « Mylène, qu’est ce que tu fais ici? J’t’attendais pas aujourd’hui! » Capitaine Beaudin est une grande amie de Mario du club nautique de Matane. Mario avait prévenu ses amis de Percé de mon passage dans la région et les avait prié de s’occuper de moi pour mon arrivée et mon départ de l’Anse-à-Beaufils. En quelques minutes à peine, tout était réglé, Émilien et Danielle, étaient partis vers l’Anse-à-Beaufils chercher un bateau pour me remorquer, en sécurité, dans l’Anse à l’abri des intempéries. Merci à cette famille formidable!

Arrivés à l’Anse, notre cauchemar était enfin fini…

En parlant avec le MRSC de Québec le lendemain, j’ai compris que mon expérience pourrait faire toute une histoire et beaucoup d’écho… J’avais le choix de porter plainte à Transport Canada et faire une déposition formelle, ensuite j’aurais encore le choix de faire appel aux petites créances pour les dommages causés à mon embarcation. Après quelques conversations avec la Garde Côtière, une conversation avec l’entreprise du bateau remorqueur, ma plainte était toujours loin d’être formulée. Le jeudi suivant, mes démarches m’avaient pris plus de temps que le remorquage lui-même et l’énergie déployée jusqu’ici pour aller en ce sens était complètement déraisonnable face aux choses importantes que j’avais à faire pour m’assurer de partir bientôt de l’Anse et de me diriger vers les Îles. J’ai tôt fait d’enterrer la hache de guerre et de choisir de vous partager cette expérience sur ce blog.

Soyez assurés que le comportement de ces deux bateliers ne représente en rien la gentillesse et la courtoisie des gens de la région. Ici, les habitants sont avenants, généreux et très respectueux. Je ne voudrais en aucun cas atteindre, de surcroît, la réputation des bateliers en général. C’est pourquoi j’ai choisi de la désigner par ses initiales, sans pour autant la nommer, l’embarcation qui m’aura donné des sueurs froides.

Avec la visite d’Irène, je ne peux me permettre de quitter l’Anse plus tôt. J’ai travaillé donc  toute la semaine à préparer mon parcours sur le golfe et à trouver une bonne fenêtre météo pour me permettre une belle aventure. Cette semaine, quelques voiliers arrivaient des Îles en me disant que les Madelinots m’attendaient de l’autre côté. J’ai entendu parler de la Madeleine et de sa magie jusqu’ici. Je caresse le moment où je toucherai le sable doux des Îles et ou je rencontrerai mes premiers Madelinots!

D’ici là mon arrivée aux Îles, je vous promets des billets quotidiens par téléphone satelitte.

*le loch est un tout petit appareil qui ressemble à une mini turbine placé sous mon embarcation, il me fournit la vitesse de déplacement de mon embarcation sur l’eau (vitesse qui peut différer de la vitesse sur le sol, fournie quant à elle, par mon GPS).

samedi 20 août 2011

Changement de programme / Change of Tack


Since arriving in Bic, my experience has changed. I have much fewer opportunities to train and keep on heading towards the Magdalene Islands. The Nordet too often took control and I’ve had to reassess whether my goals were realistic. During my training runs on the St. Lawrence last week, a small incident slightly disturbed me. With no visibility, I had been trying for a few hours to move away from the shore to avoid its dangers and was constantly being pushed back by relentless currents. Without warning, and with much surprise on my part, I caught sight of two very big rocks on the starboard side. I then realised that I might get shipwrecked. My boat would be up to high sea conditions only, far from rocky coasts.

After that incident, I had the opportunity to discuss the situation with people from Matane, in order to find solutions.

One possibility: being escorted. A boat could tow me out to and back from the main channel before and after each run, so that I might row in open water far the shore. Unfortunately, it would be almost impossible to manage this option because of the difficulty of finding available boats at all my stops beyond Matane, and with the bad weather conditions, some boats would not be able to rendezvous with me. Last resort: being towed on land. I would have to ditch the Matane-to-Percé leg and travel directly on the road to Anse-à-Beaufils where I could quite safely set off once more, by myself and without help, with no shores or reefs to block my progress. The latter solution seemed awful to me. I reminded myself of my goals for the summer: train with the boat, acquire a better knowledge of the St. Lawrence River, and meet the public.

Mr. Hermel was the one who had a flash of inspiration: an outboard engine! It would allow me to avoid the dangers of the coasts, to get to the open sea, to come back swiftly if conditions deteriorated, to move away from danger, and to make up lost time and arrive as fast as possible at Anse-à-Beaufils, thus getting a good opportunity to sail off to the Magdalene Islands as soon as possible.

One must understand that the later I leave for Anse-à-Beaufils, the more I will potentially be impacted by anticyclone wakes in the Gulf. As the Nordet has made me lose more than two weeks, I'm forced to consider various unexpected alternatives and possibilities.  

People in Matane have been great; Mario, Jérome, Marie Giroux, Pierre, John, Delphis, and even my Radio-Canada friends have provided me with their advice and support. I quickly became aware of the positive aspects of this situation. Beyond the physical training, I was training mentally; I was learning to make decisions, to compromise, and to come to my own conclusions. Special thanks to Marie Giroux for supporting me, for repeating so often that my decision was the right one, as I was the only one who really knew my boat, and for convincing me that nobody else would do what I was doing.

A bombshell Wednesday afternoon. Since the Nordet was pinning me down in Matane, I was forced to drive to an event organized for my arrival at Sainte-Anne-des-Monts. Just before leaving Matane, I was surprised to see a trailer behind a city truck. Never have I felt so adored with no cause once there. Even though my boat had yet to arrive, I was treated to an honour guard and an eloquent speech by the Lady Mayor of Sainte-Anne. Not to be outdone, the local priest blessed my Peta on the jetty. Awesome!

Having found Marie-Eve Beaupré to be such a dynamic person on the phone, I had invited her some months ago to come aboard Peta for a test, perhaps even a quick outing. We thus left Sainte-Anne-des-Monts together to try to reach Rivière-au-Renard as quickly as possible, i.e. over two days. Despite a number of setbacks, Marie-Eve stayed on with me for a third consecutive night in Rivière-au-Renard. I simply adored having Marie-Eve on board – she is funny and cheerful and I missed her as soon as I set off.

Mr. Hermel and Gilles drove to Rivière-au-Renard in the motor vehicle to join me. With a support team on land now, I know that somebody has my back! From Rivière-au-Renard to Gaspé, Mr. Hermel took part in the journey and was in charge of the engine in rougher seas. With two-metre waves and a headwind, I was very happy to have someone taking care of the contraption for me! Whenever possible, as conditions allowed, I would row. Very slowly, I was able to accumulate eight and a half hours of rowing over the 18 nautical miles.

My stop in Gaspé was decided the previous day. As the weather was not conducive to my leaving Anse-à-Beaufils today or tomorrow, we opted for this small necessary detour so that I might better explore the area with a view to next year’s departure.

Ready this morning to take oars in hand and leave Gaspé, I’ll picture myself rowing towards France. On to Anse-à-Beaufils. The sun is rising, a light breeze whispering along with me. This passage in the bay will be unforgettable.


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Depuis Bic, mon expérience s’est transformée. J’ai beaucoup moins l’occasion de m’entraîner et continuer de progresser vers les Îles. Le Nordet s’est trop souvent imposé et j’ai du revoir si mes objectifs étaient raisonnables. La semaine dernière lors de mon entraînement sur le fleuve, tout juste avant mon coup de téléphone à Jérome, commodore de la marina de Matane, un petit événement m’a légèrement troublé. Sans aucune visibilité, je tentais depuis quelques heures de rejoindre le large afin d’éviter les cotes dangereuses, j’étais sans cesse repoussée vers la rive par des courants indomptables sans avoir la chance d'apercevoir le rivage. Sans avertir, j’ai eu la surprise d’entrevoir deux très gros rochers à tribord. J’ai alors réalisé que le naufrage me guettait, mon bateau serait en état d’assumer performance en haute mer seulement, loin des cotes rocheuses. 

Après cet épisode, j’ai pu discuter avec les gens de Matane afin d’entrevoir des solutions. Ironiquement, ma conférence présentée aux Méchins le dimanche soir était accompagnée du visionnement du film Mémoires de Marées. Le film traite de l’histoire des naufrages sur le Saint-Laurent, plus spécifiquement entre Rimouski et Sainte-Anne des Monts! 

J’ai du entrevoir différentes possibilités pour m’assurer plus de sécurité et me permettre de continuer mon entraînement sur le fleuve. Première solution; l’accompagnement. Un bateau pourrait venir me porter et me chercher au large avant et après chaque sortie afin de me permettre de ramer au large, loin des cotes. Malheureusement, il devenait presque impossible de gérer cette option vu la difficulté de trouver des embarcations disponibles à tous mes arrêts au-delà de Matane et avec les mauvaises conditions climatiques, certaines embarcations ne pourraient se permettre de venir à ma rencontre. Dernier recours; remorquage sur route. Je devais avec cette option laisser tomber la portion Matane à Percé et me rendre directement par voie terrestre à l’anse à Beaufils d’où je pourrais repartir seule et sans assistance en toute sécurité sans cotes et récifs pour entraver ma route. Cette solution m’apparaissait épouvantable. Je ne pouvais entrevoir la possibilité de sortir ma Peta de l’eau et de ne pas connaître le fleuve au complet. Je me suis rappelé mes objectifs de l’été; l’entraînement avec le bateau, mieux connaître le Saint-Laurent et rencontrer le public. 

C’est Monsieur Hermel qui a eu l’éclair de génie; un moteur! Effectivement, un engin à quatre temps me permettrait de me libérer des cotes, me diriger vers le large, revenir rapidement en cas de mauvaises conditions, m’éloigner des dangers et rattraper le temps perdu pour me rendre le plus vite possible à l’Anse à Beaufils et espérer un départ vers les îles de la Madeleine le plus tôt possible.

Il faut comprendre que plus j’accuse du retard pour mon départ de l’Anse à Beaufils, plus j’accumule les chances de frapper des restes d’anticyclones dans le golfe sur mon parcours vers les Îles. Le Nordet m’ayant retardé de plus de deux semaines m’oblige à repenser mon projet, d’entrevoir différentes alternatives et possibilités jusqu’alors insoupçonnées.  

Les gens de Matane ont été extraordinaires, Mario, Jérome, Marie Giroux, Pierre John, Delphis et même mes amis de Radio-Canada ont su me conseiller et m’apporter leur support. J’ai tôt fait d’observer ce que cette situation m’apportait de positif; loin de m’entraîner physiquement, je m’entraînais mentalement; je m’entraînais à prendre des décisions, à faire des concessions et à tirer mes propres conclusions. Merci Marie Giroux de m’avoir supporté de répété si souvent que ma décision était la bonne, parce que moi seule connaissait mon bateau et que personne d’autre ferait ce que je fais.

Mercredi après-midi; coup de théâtre; comme le Nordet me retenait à Matane, j’étais contrainte de me rendre à un événement organisé pour mon arrivée à Sainte-Anne des Monts en voiture. Tout juste avant de quitter Matane, j’ai eu la surprise de voir arriver une remorque derrière un camion de la ville. Jamais je ne m’étais sentie aussi adulée sans mérite une fois sur place, arrivée avant même mon bateau, j’ai eu droit à une haie d’honneur et à un éloquent discours de Madame le Maire de Sainte-Anne. Digne d’une pièce de théâtre curé est venu bénir ma Peta sur les pontons. C'était génial! 

Ayant trouvé Marie-Eve Beaupré super dynamique par téléphone, il y a de ça plusieurs mois, je l’avais alors invité à monter à bord de Peta pour un essai voir une petite promenade. Super enjouée, Marie-Eve désirait toujours monter à bord et ce même après mes mésaventures de Nordet. Nous sommes donc parti de Sainte-Anne des Monts ensembles pour tenter de rejoindre Rivière au Renard le plus rapidement possible sur deux jours. Même après avoir touché le fond à Mont-Louis, eu des problèmes moteur durant la nuit, avoir été percuté par un MMNI (mammifère marin non identifié) Marie-Eve est restée pour une troisième nuit consécutive avec moi à Rivière au Renard. J’ai adoré avoir Marie-Eve à bord moi, drôle et enjouée, le temps s’est écoulé trop vite, sa présence m’a manqué dès son départ.

À Rivière au Renard, Monsieur Hermel et gilles sont venus me rejoindre avec le véhicule motorisé. Maintenant, équipée d’un support physique au sol, je me sens bien entourée! De Rivière au Renard à Gaspé, Hermel faisait partie du voyage et s’est occupé du moteur dans les mers difficiles. Devant les creux de deux mètres avec le vent contraire j'étais bien heureuse de voir quelqu'un s'occuper de l'engin pour moi! Aussitôt que possible, lorsque les conditions le permettait; je ramais. Très lentement, j’ai pu cumuler 8h30 de rame sur les 18 miles nautiques.

Mon arrêt à Gaspé s’est décidé la veille, comme la météo ne serait pas favorable à mon départ de l’anse à Beaufils aujourd’hui ou demain, nous avons opté pour ce petit détour nécessaire pour que je puisse mieux explorer les lieux pour un départ l’an prochain. 

Maintenant prête à partir sur mes avirons, je vais m’imaginer ramer pour la France en quittant Gaspé ce matin. Direction Anse à Beaufils. Le soleil se lève, une brise légère est avec moi. Un grand trois mats est prévu quitter à la même heure. Mon passage dans la baie sera inoubliable.

lundi 8 août 2011

De Tadou à Matane / From Tadou to Matane


My travels on the St. Lawrence River are quite a bit harder to manage than was the case for my Atlantic Ocean escapade last year. The River is much rougher than the Atlantic and provides no safe havens except the marinas that dot the shore. At least in the Atlantic, I knew that I would row for twelve hours, move forward, rest, write, and eat… Here, when I leave a jetty, there's no guarantee as to arrival time at the next one.

Since Tadoussac, I’ve sailed four times: from Tadoussac to Trois-Pistoles with my friend Alex, from Trois-Pistoles to Bic then on to Rimouski, from Rimouski to the Les-Boules cove, and from Les-Boules to Matane.
Between Tadoussac and Trois-Pistoles, some people thought we were whales – a few times, the tour boats came right up to us. My mother, who was on Tadoussac’s jetty when we shipped out, told me that a guide was describing my adventure to the tourists present using his bullhorn.

When we arrived in Trois-Pistoles, Mikael was waiting for us on the dock at two in the morning. I stayed moored there for a week to attend the 9th edition of Échofête, Quebec’s first environmental festival.
In Trois-Pistoles, Karine and Georges from Cushe Canada came to cheer me on and spend some time with me. The enthusiasm shown by my sponsors is quite motivating in the case of an adventure such as mine. I had more than my usual share of indecisiveness the day following their departure when I was confronted by my twelve pairs of Cushe shoes… I’m most definitely the best shod rower in Quebec! Thanks Cushe!
My departure from the Échofête will remain forever in my memories! About thirty people on the dock waiting patiently for my departure at… three in the morning! Since then, a long journey to Rimouski where on the way was waiting… my newly adopted sugar (grand‑)daddy. Mr. Hermel Lavoie. Such a sweet person! I met Hermel last year in Rimouski at a lecture. We clicked right off the bat! He and his crew came to meet me on the River just before arriving in Bic. As a northeast wind was picking up, they were able to provide assistance to get me to the level of Bic, where I tried to use my oars once more as I took advantage of the ebbing tide. Waves, seaweed, and winds led me to request their help to come in to port safely in Rimouski. My family was waiting there for me.

Because of that northeast wind, the Nordet, I was only able to leave Rimouski on Friday to eventually drop anchor and spend the night in Mitis cove. My new grandfather and his son-in-law Christian came out to see me with their lunches, telling me that they preferred to eat at Les-Boules, a cove located about five miles east. I therefore went by the Mitis cove and entered the cove at Les-Boules, thus gliding by the Maurice Lamontagne Institute while being towed by Hermel's zodiac. My phone was ringing just a few seconds later… Robert Dorais was calling with this comment: “Well, well… I told everybody to come out to the jetty to see Mylène row by… That’s a pretty big engine on your boat, no?” Which just goes to show that you can’t hide anything from Fisheries and Oceans Canada! A great story!  

I sailed off the following morning to reach Matane. Six and a half hours of rowing… Battling the wind every minute. As soon as I let go of an oar in the hope of catching a piece of fruit, some nuts, or a crunchy bar, I'd need ten minutes of constant effort to bring back the boat on course and get moving in the right direction at three knots. In my boat, under these hostile conditions, my every move was costly. Making a false move becomes a certainty. Mistakes add up. At times, I could see shear lines – water barriers whose appearance sometimes differs drastically and where one often finds vast seaweed accumulations as well as birds. These lines result from the meeting of currents. Typically one finds an opposite current on the other side. I observed that toeing these lines let me add 0.4 -0.5 knots to my cruising speed – i.e. I was getting a boost in distance of 400 feet every hour! WOW… what a bonus!

A visibility of barely 200 feet prevented me from spying the shore. Around two in the afternoon, I decided to contact Jérome, the commodore of Matane’s marina, who sailed out to rendezvous with me offshore. As the northeast wind kept on strengthening , we agreed that it would be best if he assisted me in getting to the safety of the marina’s jetty.

I’ve achieved my goals: gain some training on Peta and acquire valuable knowledge about the St. Lawrence River… I seem to be getting both in droves just now! 

My progress is quite a bit slower than planned because the weather is rather uncooperative, e.g., the Nordet. I definitely respect that wind and will now on always use a capital “N” when referring to it. The Nordet has claimed many victims over the years and has drowned many sailors. The Nordet is forcing my hand in a number of instances, as it did when it pinned me down for too long in Rimouski, and as it is doing here in Matane. If the Nordet is blowing, with all due respect, I'm out!

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Mon parcours sur le fleuve est beaucoup plus difficile à gérer que mon escapade sur l’Atlantique l’an dernier. Le fleuve est beaucoup plus rigoureux que l’Atlantique et n’a rien n’a rien de rassurant mis à part les marinas qui le jonchent. Du moins sur l’Atlantique je savais que j’allais ramer 12 heures, progresser, me reposer, écrire et manger… Ici, quand je quitte un ponton, rien ne m’assure de l’heure à laquelle je vais arrêter au second, rien ni personne pour me dicter précisément où aller et le cas échéant… le fleuve en décide souvent autrement. 

Depuis Tadousac, j’ai navigué à quatre reprises; De Tadoussac à Trois-Pistoles avec mon ami Alex, de Trois-Pistoles au Bic et ensuite à Rimouski, de Rimouski à l’anse des Boules et des Boules à Matane.
De Tadoussac à Trois-Pistoles, on nous a pris pour des baleines à quelques reprises, les bateaux d’exploration sont venus à notre rencontre avec leurs appareils photos, applaudissements et encouragements. Maman, présente sur les quais de Tadoussac lors de notre départ m’a relaté qu’un guide expliquait mon aventure aux touristes dans son porte voix. 

À notre arrivée à Trois-Pistoles, Mikael nous attendait sur le quai à 2 heures de la nuit où je suis restée amarrée pour une semaine pour assister à la 9e édition de l’Échofête, premier festival environnemental au Québec. J’ai mieux connu le personnage qui se cache en mon ami Mikael Rioux et je suis pas mal fière de lui!

À Trois-Pistoles, Karine et Georges de Cushe Canada sont venus me visiter, m’encourager et passer du temps avec moi, l’enthousiasme de mes partenaires est des plus motivantes dans une aventure comme la mienne. J’ai eu droit à plus d’hésitation que jamais le lendemain de leur départ devant mes 12 paires de chaussures Cushe… je suis définitivement la rameuse la mieux chaussée au pays! Merci Cushe!  

Mon départ de l’Échofête restera gravé dans ma mémoire à jamais! Une trentaine de personnes sur le quai à attendre patiemment mon départ à …3 heures du matin! Depuis; une longue route vers Rimouski où m’attendait sur le chemin… mon grand-papa bonbon nouvellement adopté; Hermel Lavoie. Un amour! Que j’aime mon nouveau grand-papa; un homme gentil, bonace, drôle et généreux. J’ai rencontré Monsieur Hermel l’an dernier à Rimouski lors d’une conférence, comme on se plait à dire; «C’a cliqué entre nous!». Lui et son équipage sont venus à ma rencontre sur le fleuve avant le Bic. Comme le vent nord est s’est mis de la partie, ils ont pu m’offrir assistance jusqu’au Bic ou j’ai pu tenter de reprendre les rames par la suite à marée descendante. Malgré tous mes efforts, les vagues, les algues, les vents me déplaçant vers le sud ouest donc de renouveau vers le Bic, m’ont fait choisir d’obtenir leur assistance pour entrer en sécurité à Rimouski. Ma famille, venus m’y visiter, m’y attendait. Sans Hermel et son équipe, je serais probablement entrée à l’anse à Mouille-Cul (oui oui… c’est vraiment son nom!) en deuxième marée descendante. Le lendemain, avec les vents que nous avons eu cette semaine, je n’aurais pu me sortir de là et ce avant jeudi, jour ou ma famille avait prévu quitter Rimouski. Aucun bateau non plus n’aurait pu venir m’y chercher vu les mauvaises conditions météo. 

À cause du vent nord est, le Nordet, j’ai n’ai pu repartir de Rimouski que le vendredi pour aller mettre l’ancre à l’anse à Mitis et y passer la nuit. Mon nouveau grand-papa est venu me voir avec son neveu Christian et leurs lunchs me disant qu’ils préféraient luncher à Les Boulles, l’anse un peu plus loin, cinq miles à l’est. J’ai donc passé l’anse à Mitis et entré dans l’anse des Boulles en passant devant l’Institut Maurice Lamontagne accrochée à l’épaule du zodiac d’Hermel. Étant dans un épais brouillard depuis le début de la matinée, j’ai été surprise d’apercevoir un long quai et l’Institut. Quelques secondes plus tard mon téléphone sonnait… Robert Dorais m’appelait pour me dire : « Ouain… moi j’ai dit à tout le monde de sortir sur le quai pour voir Mylène passer à la rame…t’as un gros moteur après ton bateau toi! » Comme quoi on ne peut rien cacher à Pêches et Océans Canada!  La belle anecdote!  

Je suis partie de l’anse le lendemain matin pour rejoindre Matane. Six heures trente minutes de rame… Tout ce temps à forcer contre le vent, aussitôt que ma main quittait une rame pour espérer attraper un fruit, une noisette ou une barre tendre, j’en avais pour dix minutes d’efforts constants pour remettre le bateau en position et me permettre de continuer d’avancer à 3 nœuds dans la bonne direction. Prendre une gorgée d’eau s’avérait une décision importante! « Est-ce vraiment nécessaire? » était devenue une question mantra dans mon esprit. Dans mon embarcation, sous ces conditions hostiles, le moindre geste à un prix. Arrêter de ramer d’une main pour ouvrir ma portière et replacer l’écran de mon GPS, zoomer avant pour voir plus grand et refermer la portière peut s’avérer une erreur de première.  Faire de fausses manœuvres devient chose certaine. Les erreurs se succèdent. Par moments, j’apercevais les lignes de cisaillement, barrières d’eau à l’aspect différent qui change parfois drastiquement, où on trouve souvent de larges bancs d’algues et des oiseaux. Ces lignes représentent l’endroit où les courants se rencontrent. Normalement, de l’autre coté se retrouve un courant contraire. J’ai découvert que de rester tout près des lignes pouvait ajouter 0.4 ou 0.5 nœuds à ma vitesse de croisière, c'est-à-dire que j’avancerais de 400 pieds plus vite à l’heure! WOW… quelle cadeau! 

Le brouillard épais qui désorienterait n’importe qui, me trompait trop souvent. La visibilité d’à peine 200 pieds me gardait d’apercevoir le rivage. Vers 14 heures, je décidai de rejoindre Jérome, commodore de la marina de Matane qui a décidé de venir me rencontrer au large. Avec le vent nord est qui commençait à forcer de plus en plus, nous avons convenu de la pertinence de m’assister pour  entrer à quai et en sécurité à la marina. 

Mes objectifs sont remplis : m’entrainer sur Peta et mieux connaitre le Saint-Laurent… Je ne peux mieux être servie à l’heure qu’il est. 

Ma progression se fait beaucoup plus lente que prévue à cause de la météo peu généreuse. Je vous reviens très rapidement pour vous parler du vent de nord est… le Nordet comme les gens l’appellent ici. Moi, le Nordet, je le respecte et lui octroierai dorénavant ses lettres de noblesse en lui accordant le N majuscule. Désormais je l’appellerai aussi « le Nordet » à voie haute et m’adresserai à lui en disant « Vous » avec les plus belles formules de politesses. Le Nordet a fait bien des victimes au cours des années et a engloutit bien des navigateurs. Le Nordet m’appelle à faire des choix, lui qui m’a clouée à Rimouski trop longtemps à Matane maintenant.  Avec tout le respect que je lui dois... si le Nordet est là, moi je n’y suis pas!