jeudi 28 juin 2012

En route vers les Îles!

En montant dans l'avion, fidèle à mon habitude, je m'absorbais à la lecture d'un bouquin pour tenter d'ignorer le décollage. Quelques minutes plus tard, j'aperçus le Saint-Laurent sur bâbord, après quoi je suis restée rivée à mon hublot durant les trois vols successifs; jusqu'à Québec, de Québec à Gaspé et surtout, au-dessus du golfe, de Gaspé aux Îles-de-la-Madeleine. J'étais loin d'imaginer qu'un simple vol me permettrait de reprendre contact avec la nature et l'aventure que me réservent les prochains mois.

En apercevant l'étroite voie maritime au centre du Lac Saint-Pierre, j'y distinguais de petits bateaux de pêche et d'imposants cargos s'enfiler entre les bouées. En survolant le fleuve, j'ai repensé à tous les arrêts que j'ai faits le long du Saint-Laurent lors de ma traversée à la rame en solitaire; Sorel, Trois-Rivières, Batiscan, Portneuf et Québec. Lors de chaque escale, j'avais découvert la fraternité des gens du fleuve et l'immense fierté qu'avaient ses usagers à le côtoyer et le connaitre. En voyant l'ile d'Orléans, Montmagny, Saint-Jean-Port-Joli, Kamouraska et Rivière-du-Loup, je me suis souvenue très concrètement de la couleur de l'eau, de sa faible profondeur, de l'imposante marée, du mélange d'eau salée à l'eau douce et de la vie marine qui se faisait de plus en plus présente. Je me suis aussi remémoré les nombreuses visites de bélugas, de loups-marins, cétacés et marsouins.
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Lors de ma visite à la Station exploratoire du Saint-Laurent de Rivière-du-Loup l'été dernier, j'avais été étonnée d'apprendre que le gouvernement avait encouragé activement la chasse aux bélugas durant les années 30. Par présomption de culpabilité, des milliers de bélugas ont disparu. Le cétacé était accusé d'engloutir d'importantes sommes de morues, il était donc tenu responsable de la chute des prises de pêche jusqu'au jour ou une étude à propos de ses habitudes alimentaires a pu faire le point et démontrer l'erreur monumentale. Aujourd'hui réduite à tout près de 1000 individus, plusieurs s'inquiètent du sort de notre baleine emblématique à cause des pressions constantes qu'elle subit; ingestion de contaminants toxiques et pollution par le bruit. Je m'étais souvent sentie privilégiée de les côtoyer par dizaines entre Kamouraska et Tadoussac.

Après Tadoussac et Trois-Pistoles et autour de Rimouski, Matane, Sainte-Anne-des-Monts et Rivière-au-Renard, j'avais continué d'apercevoir d'autres types de baleines tout au long de mon parcours.

À L'Anse-à-Beaufils, j'étais morte de peur de quitter le continent pour traverser le golfe vers les Îles-de-la-Madeleine, seule dans mon bateau à rames. Je n'étais pas angoissée à propos du défi et des difficultés potentielles auxquelles j'allais faire face... Comme une promise à la vielle d'un mariage arrangé, j'étais inquiète de savoir si j'allais aimer ces jours seule avec moi-même. Plus tard, j'étais ravie d'apprendre que si j'aimais être seule avec mon embarcation, j'aimais aussi l'aventure avec le golfe, la nature, les mammifères, les vagues et les conditions difficiles.

Pour la première fois cette année, je suis arrivée aux Îles-de-la-Madeleine par avion, un bolide solide qui a touché terre après quarante petites minutes de traversée. Si on veut comparer à mon défi de l'été dernier, il m'aura fallu près de neuf jours de rame en solitaire pour atteindre la même cible. Depuis le siège 3A, je repensais à ma rencontre avec les dauphins nageant dans un banc de planctons phosphorescents illuminant la coque de mon embarcation durant la nuit. Avant d'atterrir, j'ai pu distinguer la couleur des sables, l'eau turquoise, la morphologie des berges et ses caps érodés en arrivant près de l'archipel. À l'extérieur, une odeur salée m'accueillait et me rappelait l'importance de conserver nos milieux marins en santé.