samedi 20 mars 2010

Terre ferme

Enfin remise de mes émotions une fois sur terre, la procrastination a emporté sur mon devoir de vous faire connaitre le reste de mon épopée!

J'ai, oh combien, pensé à vous, supporters et amis, gens de partout et d'ici, ceux venus à ma rencontre sur les rives de la Barbade et ceux m’encourageant du confort de leurs foyers, je vous dois bien quelques explications!!!

L'arrivée: Après avoir ramé les 2 heures les plus difficiles de toute la traversée, à quelques heures de toucher le sol, tout de suite après avoir accordé mon entrevue au Journal de Montréal, je suis tombée raide morte sur ma couchette. La toute dernière dose de Tramadol a aidé mon esprit à rejoindre les bras de Morphée. Ayant été blessée durant les deux semaines précédentes au genou droit, j'ai du faire un choix en catastrophe le matin du 10 mars: prendre ou ne pas prendre la petite pilule blanche qui m'avait déjà tant donné des comportements étranges mais combien de soulagement? En voyant mon genou presque doubler en superficie ce matin là j'ai tôt fait d'avaler la responsable de ce sommeil de fin de course. Durant que Pedro ramait près de 3 heures d'affilée pour me libérer la tâche; j'ai dormi.

À peine 10 minutes avant de toucher sol, mon skipper se battait pour me réveiller et me prier d'aller aux avirons! À peine assise à mon poste de nage, j'entendais déjà le cri de mes ‘’belles-sœurs’’ anglaises et irlandaises au Port!!!

Tout un mélange d’émotions. Dans ma tête, je ne comprenais pas très bien pourquoi j'avais dormi! Sans remords, puisque je ne sentais plus mon genou enfin, j’ai ramé les derniers coups de rames qui nous ont permis de toucher le quai. Je tentais de comprendre comment placer mes rames dans l’eau pour « déramer » et enfin toucher sol… j’étais confuse. Je me suis retrouvée dans un tourbillon de voix, de cris de joie et de visages heureux. En quelques secondes, mes frères ont quitté notre Sara pour se retrouver dans les bras de leurs douces moitiés. Je me suis retrouvée à m’inquiéter pour Sara, basculée de toute part que mon meilleur ami Denis, m’attendant sur le quai, a tôt fait de stabiliser pour me donner la chance d’embrasser ma grande amie Jen. Ma mère a suivi. Gros câlins au menu. Je cherchais mon père dans la foule.
Aussitôt sur le quai, on me demande mon passeport. Ahww!!! Je retourne dans ma cabine et prend soin de prendre mes drapeaux Québécois et Canadien. Je me retrouve dans un état d’esprit difficile à expliquer. Déchirée de laisser ma Sara mais tellement heureuse de retrouver mes amis et ma famille. Maman me tend un téléphone, dans le combiné ma sœur me dit : « On te voit sur les webcams !!! » après une brève conversation dont je n’ai pas saisi tous les mots, je vois mon papa qui m’attend patiemment. Mon amie Pauline m’embrasse probablement rapidement, j’en ai un vague souvenir. Je suis tellement heureuse de la voir parmi nous puisque son voyage n’étais peut-être plus possible quelques jours plus tôt. Je suis aux anges. Mon amie Sophie, avec qui j’ai appris à ramer il y a à peine 16 mois me serre doucement dans ses bras, elle me présente son cousin Jean-Luc, ils sont venus passer une semaine ici pour voir mon arrivée. Mon Denis me tend enfin une bière que je saisi sans hésitation! Un journaliste me pose des questions dans un anglais barbadien qui sonne tout nouveau pour moi. On me demande qu’est ce que ca fait d’avoir été la seule fille à bord, je m’aperçois que je m’exprime clairement en anglais, drôle de constatation devant les caméras! Une entrevue d’équipe suit. Je vois alors mes frères comme je ne les avais jamais vu rire autant, ca leur va bien!
On me demande comment je veux la cuisson de ma viande… une table nous attend avec 6 couverts. On attend Matt qui se trouve avec les douaniers. Après quelques jours, on apprendra que la responsable de la marina a eu les larmes aux yeux en voyant le respect que nous avons porté à notre capitaine en l’attendant. Un immense cheese-burger frites se trouve dans l’assiette, un verre d’eau et des glaçons, une bière et … des ustensiles!!! Wow des ustensilles que j’observe de près après quoi je mange le tout avec mes doigts!!! Un toast et un discours du capitaine. Je suis la deuxième à parler puisqu’on demande à la fille de l’équipe de partager son expérience. Mes frères suivront de leurs discours respectifs.
Je me retrouve enfin dans les bras de papa, première discussion. Mon papa me dit; « J’ai la chienne » je ne comprends pas et je le rassure en lui disant que j’ai été prudente, que je me suis redu sur la terre ferme et que je ne cours plus aucun danger. Il me répond qu’il a peur que j’y retourne seule!
Mon papa sait! Mon papa a tout deviné, je ne peux rien lui cacher.
Mon grand rêve a moi, c’est une solo, je suis venue ici pour apprendre et pour tester ma personne sur cette grande étendue d’eau, je suis venue guérir ma peur de l’eau, plonger toute seule dans l’océan, ramer des heures durant pour me demander une fois à terre une question toute simple : J’y vais, j’y vais pas? Pour être honnête avec vous; jamais je n’aurais cru que je trouverais ca si facile, je croyais en effet que l’aventure humaine serait mon défi de tous les instants et c’est ce qui s’est produit. L’aventure physique a été beaucoup plus facile que je ne l’aurais cru, mon corps a reçu quelques coups, bien sur, la fatigue et le stress ont été très mobilisant. C’est de loin, le coté social de l’aventure qui a été la source de mes difficultés. Vivre en groupe m’a beaucoup appris.
Aujourd’hui je monte dans un avion mais c’est à la rame que j’aimerais rentrer. Je regarde le calendrier et je compte les possibilités… dans 14 ou 26 mois?
Tout est à faire. Le courage commence ici ou je suis seule à la Barbade pour prendre ma décision. Deux jours m’ont été nécessaire à réfléchir les 14 prochains mois de ma vie. Je regarde l’horizon, je me demande quelles découvertes je peux aller faire sur cette petite ligne bleue foncée qui brise le ciel bleu pale. Je dois me décider ici et maintenant. Je me sens tout comme juste avant de plonger dans le grand bleu toute seule. Je me sens exactement comme le jour où j’avais reçu un prospectus de course par courriel d’un certain Peter Willliams. J’avais lu cet important document en saisissant seulement 1 phrase sur 4 à cause de mes grandes lacunes en anglais. Tout ce que j’avais compris c’était 2 heures de rame et 2 heures de repos durant plus de 40 jours. J’étais consciente que je m’embarquais dans quelque dont je ne connaissais pas tous les aspects, de prime abord la langue. J’avais gribouillé tous les mots sur le papier, traduis l’ensemble sur internet et surligné les expressions en jaune, les questions en rose… Mon amie Marie-Josée avait été d’une patience exemplaire pour me donner le sens de la majorité du texte. Je me rappelle avoir signé le papier sans même connaitre le taux de change entre la livre sterling et le dollar canadien. Le document disait 15,000 livres sterling et je m’en foutais éperdument! Maintenant c’est pareil. Personne ne peut me dire avec exactitude combien va me couter mon aventure solo; mon embarcation, mes assurances, mes billets d’avions, les réparations, mon éolienne, ma ligne de vie et mon canot de survie… et 5 ipods! Tout ce qui est pertinent pour l’instant c’est de garder le focus sur mon rêve et me demander si je donne rendez-vous à l’Atlantique que j’ai tant aimé.
Je ne peux m’empêcher de répéter encore dans ma tête la même phrase inlassablement si souvent entre mes oreilles durant ma traversée : « Je vais y arriver! »
Si je fais tout dans le bon ordre je peux être certaine d’arriver à bon port et prier l’océan me laisser passer gentiment.
À bientôt Montréal et à bientôt l’océan…

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