Ici le Fleuve est chocolat. Dès mon départ de Montmagny, j’avais remarqué l’eau brunâtre. Les sédiments, la batture et l’eau peu profonde de la cote sud de l’estuaire représentent les conditions propices à la couleur brune. Les vents des derniers jours ont labouré le Fleuve et ont fait remonter ses sédiments à la surface. À basse mer; on aperçoit le lit du Fleuve sur quelques miles, à marée haute, un autre monde s’offre à nous; une mer pleine, ronde et accueillante, plus accessible.
Remettre un gouvernail en place dans cette eau saturée de sédiments n’est pas chose facile. On ne voit rien sous la surface de l’eau et encore moins quelques pouces plus bas. Comme j’ai terminé ma navigation à marée basse, faire mon entrée dans la marina représentait tout un défi. L’accès devenu plus étroit par l’absence d’eau était limité. Les deux brises lames qui s’imposaient derrière moi m’intimidaient, à voir les vagues se jeter sur eux, j’osais imaginer le résultat de ma téméraire tentative: un massacre sur la coque de ma Peta. En tentant d’entrer dans le chat de l’épingle, je me suis très rapidement retrouvée à contre vent et contre courant plutôt déportée à l’est de l’entrée. J’ai opté de tirer sur mon gouvernail à bâbord en me débarrassant de cet embarra, ce qui me permettait de trouver du calme tout juste après le brise lame, passé la marina. Des gens qui m’attendaient sur le haut quai, deux hommes sont venus braver les cailloux abrupts sur le brise lame pour me communiquer de rester là, près de la batture à l’est de la marina, on viendrait me chercher sous peu, en bateau.
Durant mon attente, je pensais à ma journée qui depuis mon départ de Montréal, me permettait de croire que c’était sans doute la plus belle jusqu'ici. Le matin du 7 juillet, le paysage me coupait le souffle, en s’élargissant tranquillement, l’estuaire offrait au nord une vue surprenante sur les montagnes du Mont Sainte-Anne au Massif, une chaîne bleutée fendait le ciel tout juste derrière l’Île aux Grues et l’Île aux Oies. Sur le coté sud, les petites maisons se suivaient, typiques, pittoresques, classiques et toutes belles. Encore une fois, sur les cotes, des riverains inquiets ont contacté la garde côtière pour les aviser qu’une embarcation avait l'air d'être en danger. Ces anecdotes me rappellent combien les gens d’ici se tiennent avec fraternité et solidarité.
Des vagues se formaient derrière moi, gonflaient sous le vent et me poussaient vers l’avant. C’était presque du surf. C’était magique. Toute la journée; un vrai spectacle! J’ai eu droit à des pointes de 5.5 nœuds, des rafales de vent à 15.
J’ai même donnée une entrevue à CBC durant laquelle je progressais à 2,5 nœuds. J’ai discuté au téléphone sur presque tout le parcours, Virginie aux communications, ma sœur, Marie à la logistique, Sylvain aux bonnes nouvelles et mon bonbon : mon commanditaire Cushe, Karine que j’adore, toujours le sourire aux lèvres, on discute, on blague et on partage. C’est toujours un honneur pour moi d’avoir un commanditaire excellent comme Cushe.
Arrivée à destination, un accueil surprenant m’attendait, des gens par dizaines me félicitaient, applaudissaient et m’expliquaient à quel point ils ont fait du chemin pour me voir arriver. Nombreux sont ceux qui attendaient de voir le bateau, lui toucher et enfin assouvir leurs interrogations face à toute l’aventure. Après de nombreuses minutes sur les quais, à rencontrer les gens et les journalistes, j’ai pu monter au bar de la capitainerie, signer le livre d’or de la ville qui existe depuis 1957! J’ai rencontré Monsieur le Maire, souriant et heureux, sa responsable des communications, Anny, une vrai perle.Les gens d’ici sont INCROYABLES, pour moi, c’est du jamais vu!
Pendant que le band se donnait un spectacle au bar de la capitainerie, sur le balcon, la saveur du jour était à propos de l’étrange bateau plus bas amarré. Mon expédition était un sujet de conversation propice pour partager. Le Fleuve, ici, c’est la mer. La mer que l’on respecte et que l’on aime, un énorme respect est aussi attribué aux braves gens qui savent l’affronter. Toute la soirée, j’ai eu droit des histoires d’eau, de Fleuve, des histoires de marins, des histoires de pêche… On m’a parlé de la traverse Saint-Roch, de vitesse, d’anecdotes, de mats brisés, de pontons, de marées, On m’a parlé de grain, de gros grains, d'intempéries, de mauvaises conditions climatiques, de naufragés, d'embarcations en difficultés. On m’a parlé jusqu'à très tard d'histoire à pleuvoir à boire debout.
Bonjour Mylène,
RépondreSupprimerMon épouse et moi sommes très heureux de t'avoir rencontré à ta conférence à St-Anne de Beaupré et à l'Île d'Orléans.
Nous avons aussi passé du bon temps avec ta mère et son amie.
J'ai lu tes reportages sur tes deux jours à ramer à partir de l'Île d'Orléans. Conclusion: ce n'est pas évident de ramer sur le St-Laurent.
Tu es très courageuse, bravo
Gaston Gendreau
Bonjour Mylène,
RépondreSupprimerToujours aussi passionnant tes récits.
J'aime ta plume et j'admire ton courage et ta passion. C'est rassurant de te savoir si bien entourée.
Bonne fds de repos et après .... en avant toute!.....
Yvonne xx
Merci Yvonne pour vos messages d'encouragements et Merci à Gaston et sa femme pour votre hospitalité envers Claire et ma maman. xxx
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