Avec tous les efforts menés jusqu’ici depuis les balbutiements de mon projet en 2008, je comprends bien maintenant ce qu’est la persévérance; la constance et la résistance dans l’effort pour continuer d’avancer vers l’objectif convoité malgré les obstacles et les embarras qui se dressent sur la route.
À l’assaut de mon vélo, le 4 décembre dernier, je passais le pas de ma porte, mon casque à la main, souriante. Quelques secondes plus tard, après quatre enjambées à peine, une bête chute m’envoyait au tapis. À l’instant même où mon avant bras percutait le sol, j’ai senti sous l’impact de ma chute l’os se morceler. Mon bras, déformé requérait des soins et moi, contrariée, ne pensais qu’à la traversée de l’Atlantique à la rame!
Après quelques jours à l’hôpital et un passage en salle d’opération, je me suis retrouvée sept semaines immobile et bien sage, le bras emprisonné dans un plâtre. Durant deux mois, je me pouvais répondre à la question fatidique à savoir si mon bras allait être prêt au mois de mai pour me permettre de ramer avec rigueur 100 jours durant. Lorsqu’on m’a libérée de l’accoutrement barbare qui gardait mon bras prisonnier, je me suis sentie étrangère à moi-même comme si ce membre ne m’appartenait plus, ne répondant plus à la moindre commande. Depuis fin janvier, je travaille à réadapter mon bras atrophié afin de lui redonner sa forme, sa force et ses fonctions.
Pour fournir au projet une sécurité maximum, je dois pouvoir m’accomplir à 110% et ne dépendre de personne physiquement. Aujourd’hui, j’ai encore besoin d’assistance pour ouvrir un vulgaire pot de moutarde! En cas d’urgence durant l’expédition, les procédures exigeront que je sois capable de soulever une charge de 80 kg et à l’heure actuelle, même après le travail de réadaptation, c’est un exercice complètement irréaliste. En suivant le progrès actuel, je peux espérer retourner à la rame modérée en avril ou mai.
Je choisis donc de reporter mon expédition à mai 2013.
Pourquoi douze mois de plus? Parce que mon départ nécessite une toute petite fenêtre météo de deux semaines quelque part entre la mi-mai et la mi-juin pour me permettre de partir sur l’océan à la vitesse qu’impose mon bateau. Même si mon bras s’avérerait prêt en juillet, l’océan, lui, ne me laissera plus passer.
Ces douze mois supplémentaires vont contribuer à me préparer davantage. En ayant profité de l’été 2011 pour me mettre au défi en m’entraînant avec mon embarcation, j’entends exploiter l’été suivant à parfaire mon entraînement comme navigatrice. Je vais donc partir rencontrer l’océan et naviguer avec un équipage à bord d’un voilier. Six semaines sur les eaux froides et tumultueuses du nord de l’Atlantique vont servir d’une préparation optimale et encore plus adéquate. Quand je pense à toute l’expérience acquise l’an dernier en ramant de Montréal aux Îles de la Madeleine, je n’ose imaginer l’expérience que j’irai chercher entre la France, le grand-nord et le Québec durant six semaines de voile sur l’océan convoité depuis si longtemps. Cette nouvelle expérience viendra consolider mes chances de réussites pour ma propre expédition.
La résilience permet d’être plus persévérant, de se réajuster et de tirer parti de chaque situation. Je crois avoir la capacité de bien rebondir et de voir les choses de façon positive même durant les moments difficiles. De remettre à l’an prochain ne m’attriste plus, je sais que je vais réussir, ce n’est qu’une question de temps.